En 1977, Roberto Rossellini filmait l'ouverture au public du Centre Pompidou. Et Jacques Grandclaude filmait Rossellini filmant Beaubourg. Cette double aventure est présentée par Arno Gaillard, ce midi, au Théâtre du Rond-Point, dans le cadre de l'université populaire de Michel Onfray, décentralisée de Caen à Paris.
Les deux films ont de quoi passionner. Celui de Rossellini, Le Centre Georges- Pompidou, apporte un témoignage unique sur un moment clef de la culture contemporaine : « Pour la première fois, un lieu de culture se présente comme un supermarché », note Alain Bergala, critique et enseignant de cinéma. Et pour la première fois, on voit le public confronté directement à l’art contemporain. C’est ce contact, dans sa spontanéité et sa sincérité, que Rossellini veut saisir. Pour cela, il adopte un principe de déambulation qui lui est cher et lui permet d’accumuler les observations.
« Il ne s’arrête pas aux œuvres, commente Alain Bergala, ce qui l’intéresse, c’est le rapport du public aux œuvres. » D’où parfois un côté Tati, cocasse, né de la fraîcheur naïve des réactions, car le public n’a pas encore appris à révérer l’art contemporain. Et un intérêt sociologique certain.
Pendant ce temps, Jacques Grandclaude filmait Rossellini au travail, avec l’ambition de faire « un film scientifique », un film d’entomologiste sur sa manière de créer. La démarche avait plu au maître : « Alors, je serai l’insecte », avait-il acquiescé.
« C’était un homme obsédé par l’évolution du monde, le cinéma n’étant qu’un moyen de montrer comment les gens vivaient », dit Jacques Grandclaude. Grâce à lui, on voit à l’œuvre le Rossellini de la dernière période (il va s’éteindre quelques mois plus tard). Il voulait aller droit au but, dans un style direct, ne poursuivant nulle démonstration, mais seulement une justesse vivante. Son souci est de « représenter les choses telles qu’elles sont pour rester sur le terrain de l’honnêteté ». Le film va surgir en quelque sorte naturellement de la rencontre entre le lieu, Beaubourg, et les personnes qui l’envahissent.